La Corse traverse une période de canicule extrême, avec des températures atteignant localement les 40°C. Antoine Orsini, hydrobiologiste, alerte sur les conséquences dramatiques du réchauffement climatique pour les écosystèmes aquatiques insulaires. Il souligne que l’eau des rivières, autrefois fraîche et propice au refroidissement, est aujourd’hui souvent chaude, dépassant les 35°C dès le matin. « Avant, la rivière était plus froide que la Méditerranée, mais maintenant c’est l’inverse », affirme-t-il. Même les lacs d’altitude, comme celui de Capitello à 2 000 mètres d’altitude, subissent des changements radicaux : leur température moyenne a grimpé de 16°C à 19-20°C en été.
Ces bouleversements affectent non seulement les eaux, mais aussi les équilibres écologiques. Les périodes de sécheresse s’allongent, avec des rivières dépourvues d’eau pendant cinq à sept mois par an. « On assiste à des extrêmes : trop d’eau ou pas assez, accompagnés de crues catastrophiques », explique Orsini. Les espèces aquatiques, comme la truite, sont menacées par l’augmentation de la température et la diminution de l’oxygène dissous. « À 24°C, elles meurent asphyxiées. Aujourd’hui, on observe des températures allant jusqu’à 33-34°C », précise-t-il. Les éphéméroptères, espèces endémiques de la Corse, migrent vers les hauteurs pour échapper à la chaleur, mais cette dérive provoque une concurrence accrue avec d’autres espèces.
Les risques ne se limitent pas aux animaux : l’eau chaude favorise la prolifération de bactéries et parasites. « Dans la mer, le sel limite les dangers, mais en eau douce, des maladies tropicales comme la bilharziose urogénitale apparaissent déjà », prévient Orsini. Il évoque également la menace d’une réapparition de la malaria et de cyanobactéries toxiques. « Même si personne n’a encore été tué, des cas graves ont été enregistrés, comme celui d’un cheval décédé après avoir bu dans un ruisseau », ajoute-t-il.
Face à ces dangers, l’hydrobiologiste exhorte les habitants à la prudence : « Si l’eau dépasse 30°C, il faut absolument s’en éloigner. Une eau stagnante est particulièrement dangereuse ». Il insiste sur le rôle du réchauffement climatique, dénoncé comme un facteur principal de ces catastrophes. « L’anthropisation indirecte a plus d’impact que les actions visibles », affirme-t-il, en soulignant la nécessité de protéger les zones montagneuses où l’eau reste fraîche. « C’est là que tout va se jouer pour sauver la faune et la santé publique », conclut-il.